Mai 2017
Rendre à César ce qui appartient à César...
Le 10 mai 2017, commentant les élections présidentielles, un journaliste a clos son "billet" radiophonique par La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois. Cette phrase figure dans la pièce Xerxès de Crébillon. Voir pp. 105-06 de notre ouvrage : "Il a présenté cette pièce au roi, qui, à l'ouverture est tombé par hasard sur ce vers inspiré d'une parole de Lucain, Primus in orbe deos fecit timor : "La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois." Le roi le loua de très bonne foi et trouva ce vers fort beau. Un vers bien frappé en effet… Ici, la complaisance royale témoigne seulement d'une lecture hâtive et superficielle. Le personnage d'Artaban qui prononce les vers cités supra par Jean Angliviel est celui d'un ministre ambitieux et félon, et à l'actif de Crébillon, on pourrait déceler une critique du pouvoir qui fait tant d'envieux. Entend-on véritablement au théâtre tout ce que l'on entend ? Et la lecture, quand elle n'est pas intégrale, est-elle plus fiable ? Se souvenait-on de ces vers de Pyrrhus à l'acte II qui, relativement hardis, mettaient en cause l'origine et l'étendue du pouvoir et pourraient trouver un écho à notre époque :
Mais combien de trônes sont remplis / Par les usurpateurs qui s'y sont établis ! […]
Cela dit, célébrons l'esprit de notre dramaturge avec cette anecdote rapportée par Quérard : Crébillon le Tragique ayant eu une maladie très inquiétante plusieurs années avant d'avoir donné, et même achevé son Catilina, Monsieur Hermant, son médecin, le pria de lui faire présent des deux premiers actes qui en étaient faits.
Crébillon ne lui répondit que par ce vers si connu de Rhadamiste :
Ah ! Doit-on hériter de ceux qu'on assassine ! (D'après le Dictionnaire d'anecdotes modernes et anciennes de Quérard, t. 2.)